vendredi 3 décembre 2010

Haute mer des idées pour Corps Morcelés.



Les "Corps Morcelés" est un projet (Cie La Soupe*) en cours et comme tout projet en cours il navigue en haute mer des idées. Selon les vents, selon les courants, au gré des imaginations sans contraintes de finalité. Tout est ouvert à cette heure, ce qui ce décide et ce qui se tente. La vie aux envies. 

Un projet en cours et au long cours, puisque prévu pour fin 2012, et un projet au mode de construction lié à la recherche sous forme de laboratoires, de zones tests, d'échanges interdisciplinaires (avec la danse, le théâtre, les espaces acoustiques). Une manière d'avancer à petit pas en prenant garde de laisser ouvert les chemins possibles. 

Laisser ouvert. Voilà bien une vigilance qui fait partie des projets où l'on à le temps de réfléchir et d'essayer. C'est un luxe c'est une nécessité (donné ici par la Scène Nationale de Vandœuvre*, forcément, forcément). 
Se dégager des codes aux facilités confortables (ce peut être valable mais c'est sacrément moins excitant) demande de penser à autre chose, de prendre la haute mer des idées et de vagabonder dans des territoires peu explorés. Entre le dire et le faire existe alors un effort, une remise en question des savoirs et des habitudes mais aussi une fébrilité des nouveautés. Sensations à part, déséquilibres provoqués, flous et déstabilisations, un décalage des grilles de lectures et des connaissances pour essayer d'inventer, de faire un pas un petit pas mais un pas, de l'autre côté. La recherche d'une rareté, d'une singularité, d'une personnalité.
C'est tout le pari et la joie de ce type de projet ouvert au temps et aux lendemains inattendus.

Corps morcelés, corps fragmentés, éparpillés ou simplement regardés, autrement, Delphine Bardot - marionnettiste - initie ici une expérience du regard marionnettique et musical. Une manière de donner vie aux objets issus d'un tout disloqué. 




Cette histoire de regard prend des allures de point cardinal. Regard du marionnettiste sur le déplacement de son objet, regard donné à l'objet, regard du corps en mouvement et de cet espace à dessiner, regarder cette chose qui donne vie aux choses. Qu'est-ce ? Qui sait ? 
La frontière des regards est une limite imperceptible, la franchir est ce moment où tout bascule, où l'on abandonne le monde des réalités pour changer de dimension. Un regard donné à un objet est un regard porté, transféré, pensé. Une particularité unique dont la main est l'objet. 
Quel étonnement que cet ensemble de mystères qui font de cette limite une séparation entre la vie et l'inanimé. Il est étrange et fascinant de voir se jouer là, en un point un instant, le dédoublement de personnalité, une mise en théâtre de l'objet éveillé issu d'une marionnettiste, d'une personne, de cette personne, qui manipule, qui donne et qui dit, de ce prolongement inexplicable entre un esprit et une idée donné.




Mais les laboratoires des "Corps Morcelés" tentent de porter la question un peu plus en amont. Et notamment à l'orée de cette situation ou l'objet sans regard devient extension du corps. Un objet abstrait, sans vie, autonome mais emmêlé. 
Tout change, rien ne change. Il n'est plus question alors de regard porté ou donné mais de mise en jeu d'un volume, d'un ensemble, d'une prise en main, une distanciation des éléments de narration. Ce n'est plus un transfert mais un alliage. Le jeu d'un objet devient le jeu montré. Il n'est plus en projetant une idée mais est en étant une idée.
Explorer les limites entre ces deux états impliquant le corps du marionnettiste se révèle une source de problèmes comme de solutions, mais surtout une réflexion sur le type d'émotion spectaculaire que l'on veut donner. 
Raconter une histoire de l'œil de la marionnette, de l'objet, ou mettre en résonance le rapport étrange entre le manipulateur et le manipulé ne se conçoit pas sur le même plan. Jouer de ces frontières met en exergue ce qui se passe, ce qui se trame. Un mystérieux événement. Une chose difficile à saisir à cerner. Ce lien, ce moment, ce truc qui se faufile et qui stupéfie.

L'art de la marionnette mérite une exploration des abstractions et des relations corps-objets. C'est une des pistes ouvertes, laissé au vent des idées.

Que voilà un billet confus touffu. L'abscons des idées en cours de. Un maelström de pensées folles sans liens sans freins. Les créations en cours, ouvertes, laissent entrer les courants d'airs. Faudrait pas s'enrhumer !

A suivre...

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