mercredi 13 avril 2011

Courriel pressé (comme un citron).



Un mail sautille de serveur en serveur, courriel pressé, il faut faire vite !

Il fut un age ou le loin comptait plus que le temps, certaines missives traversant Océans et Continents au péril d'une disparition rapide ou d'une arrivée 220* ou 117* ou quelques années trop tard. Les lettres d'antan étaient chargées d'histoires et de temps. Celui de l'écrire, oui oui, mais aussi celui de tant de chemins pour parvenir, une épopée parfois ou simplement une balade en vélo, jaune souvent. 
Le courrier fait cavaler tout le monde et les esprits qui attendent et les missionnés qui acheminent. Filles et garçons se donnent la main au fil des mots... courrez, courrez.

Dorénavant c'est le temps qui compte plus que le loin et notre message électronique* se dit que ca urge et qu'importe s'il à démarré sa course contre la montre depuis l'Australie ou tout simplement fait le tour du monde pour revenir de chez lui, dans le bureau d'à côté. 

C'est ainsi. Vite, vite, vite il faut aller vite scellé de son arobase* rondelette en goguette. Il ne fait plus pouloper personne cet e-mail et au contraire donne au temps de l'impatience plus que de l'attente. 

On ne le voit venir que pour la corbeille ou le classement sans suite, le voilà réduit à la nouvelle, l'idée sans papier
Le mail n'a pas de veines, ce n'est plus une malle au trésors secrets ou à l'avenir posé. Scoop ou canular, il n'est plus qu'un tuyau ce e-chose, une rumeur ou une news, sans saveurs sans couleurs et sans odeurs. Mais où sont donc passés nos missives complices, nos épitres amoureux ou en colère, nos bafouilles timides, nos tartines illisibles et les plis sympathiques à l'encre invisible, nos express par estafette, nos paquets postés, nos bizarreries inventées, nos cartes sonores bidouillées, nos babillardes, nos correspondances et même, pourquoi pas, nos pneumatiques, galoches écrites !

Et. La manuscrite qui s'est posée là, doucement, avec le style et le son d'une caresse, ce sang chaud qui défile couvrant l'esprit de silences fredonnant donnés à rester des années. Les lignes d'une pensée triste ou joyeuse seront pour toujours un geste hors du commun, un présent d'un temps éloigné qui se transporte tout proche amoureux de partager un moment plus qu'une idée. 
La beauté des ces courbes et des ses déliés dessous déballées, les plumes d'une personnalité, d'une histoire et d'une expédition entamée. Donner et prendre les minutes parcourues et laissées là comme autant de sémaphores à l'esprit débraillé. On pourrait presque toucher du bout des yeux et des lèvres ce qui anime encore entre les lignes les sous-entendus ou les mots à double fond qui se trimballent à poil au milieu de la page tremblante. C'est le plaisir. L'unique qui atterrit ici ou là dans des mains exclusives, et sans témoins. Pour le rien, qui fait tout. Le panache imprimé.

Parfois, aussi, si on y songe, les lettres caméléonnes se lisent comme le coin d'où elles se déshabillent. Sur le canapé, rouge surpris, sur une chaise en bois, chancelante, ou le coin d'une fenêtre sur cour ensoleillée, ou quoi, sous la couette à la lumière d'une lampe torche qui donne à ce qui se lit sur ce lit rempli d'un pli des allures de joyeux gamins, inconscients et heureux. 

Les lettres ne seront jamais plus belles que sur le papier transporté. Bagatelle écrite.



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